En 2014, Telltale Games connaît encore ses plus belles années (avant sa fermeture/réouverture) mais l’un de ses employés décide, avec son cousin de chez Disney, de prendre le large pour fonder leur propre maison, Night School Studio. C’est de cette union pixelisée que naît en 2016, Oxenfree. Clairement centré sur la narration, le jeu avait tout de même réussi à surprendre grâce à ces personnages et un univers travaillés. Sept ans après, le studio s’allie à Netflix pour nous offrir une suite, Oxenfree II : Lost Signals. Une suite à la hauteur de son aîné ?
Concrètement, Oxenfree 2, qu’est-ce que c’est ? La recette est assez simple mais elle n’en reste pas moins compliquée à maîtriser. C'est un jeu en 2.5D à l’ambiance mélancolique portée (presque) uniquement par ses dialogues pour dérouler son histoire qui tend vers le fantastique avec des phénomènes assez mystérieux... Vous incarnez un personnage et vous vous laissez porter sur 6/7h pour arriver au terme du voyage.
Le signal est-il perdu ?
Effectivement, si la profondeur du gameplay est importante pour vous, ce titre et sa suite ne vous parlerons que très peu. Le jeu a toujours été très minimaliste dans ses possibilités, s’apparentant à point’n’click et Oxenfree 2 ne fait pas exception. C'est un film interactif. Rien de péjoratif, au contraire, puisque le jeu se focalise sur ce qui l’importe : raconter son voire ses histoires. Une forme de simplicité appréciée et contrastant avec les autres titres du genre de Telltale qui foisonnent parfois trop de QTE, forçant le côté “jeu vidéo” presque pour rien.
Cependant, il faudra parfois jouer des réflexes pour répondre vite à un dialogue, même si le silence est une arme souvent plus efficace. L'interaction entre les personnages est le centre de l’expérience d’Oxenfree 2, et c’est là que toute la richesse de la série se niche. Pour chaque échange, votre protagoniste aura le choix entre trois choix de réponse aux tons bien distincts (quatre en comptant le fait de ne pas répondre) et ce sont ces choix de dialogue qui mèneront votre aventure. A cela, s'ajoute une liberté de déplacement sur les différents tableaux du jeu, la radio, qui fait son retour dans Oxenfree 2 Lost Signals et qui vous permettra la résolution d’énigmes, quelques nouveautés infimes et vous avez fait le tour de la question.
Des personnages toujours top
Pour autant Oxenfree 2 Lost Signals fait facilement oublier son “gameplay léger” en misant tout sur ses personnages. Au revoir Alex, ici, vous incarnez le personnage Riley Poverly. Scientifique spécialisée dans l’environnement, elle fait une pierre de plusieurs coups en rentrant chez elle pour étudier de mystérieux signaux radio… Et cela devrait déjà vous sembler familier donc nous n’en diront pas plus. Encore une fois, Night School Studio montre ses qualités dans l’écriture de ses personnages et son talent pour en trouver les interprètes. Comme son aîné, Lost Signals bénéficie d’un casting de voix impeccable et tous les acteurs semblent impliqués et assez talentueux pour délivrer des performances fortes. Oxenfree 2 réussit d’ailleurs à agrandir son casting et s’inspire d’un certain Firewatch pour proposer plus d’interactions par le biais d’un talkie-walkie. Malheureusement, si vous ne maîtrisez pas la langue de Shakespeare, le jeu ne bénéficie toujours pas de doublages en français. Un point qui peut effectivement être un poil embêtant puisque vous serez condamnés à manger pas mal de sous-titres.
Jusqu’ici tout semble bien aller pour cette suite, mais elle souffre d’un point faible assez majeur : ne pas avoir eu autant d’ambition que le premier épisode. Si vous n’avez pas joué à Oxenfree premier du nom et que vous comptez sur l’arrivée de Lost Signal pour vous y mettre, vous pouvez esquiver les lignes qui suivent. Sans entrer dans le détail de l’histoire, il est compliqué de ne pas aborder l’aspect fantastique du premier jeu. En effet, il avait joué avec brio sur son scénario tournant autour des boucles temporelles (jusque dans écran titre final) et de timelines pour surprendre et justifier le fait de repartir à l’aventure afin de débloquer toutes les fins possibles. Ici, Oxenfree 2 se pose en suite directe, ce qui enlève une énorme partie du plaisir de la découverte du jeu. Pire, et c’est probablement le seul point où l'écriture déçoit, mais les protagonistes gobent relativement facilement ce qui était toute l’intrigue du premier pour justifier de ne pas avoir à repasser par les mêmes étapes.
Ce choix justifiable de game design dans l’écriture plombe le début du titre, même s’il retombe sur ses pattes. En effet, on aurait préféré une direction différente et inédite dans l’approche des thématiques fantastiques, ce qui n'aurait pas empêché de créer des liens entre les deux jeux. Un acte manqué d’autant plus que le genre fantastique est l’incontournable de l’écriture anthologique (ndlr : “le monstre de la semaine”). L’exemple le plus parlant pourrait être la série X-Files et ses enquêtes diverses en thème liées par une même sous-intrigue principale.
Il ne s’agissait pas d’en demander tant à Oxenfree 2 Lost Signals, mais connaître d’entrée de jeu une bonne partie de l’explication des phénomènes qui se déroulent dans l’histoire coupe un pan entier de ce qui faisait la puissance du premier. Heureusement, le jeu profite des qualités précédemment énoncées pour réussir à passer outre, mais cet acte manqué casse un peu le rythme général de l’aventure qui souffre d’un ventre bien mou dans sa moitié.
Qui aura la meilleure fin ?
On regrettera d’ailleurs aussi que Night School Studio n'ait pas décidé d’observer plus finement les nouveautés dans le langage vidéoludique, qui a naturellement évolué au fil du temps. Mise à part la carte à explorer qui est plus grande, Oxenfree 2 Lost Signals ne bénéficie d’aucune véritable évolution et certains éléments qui pouvaient déjà lui être reprochés en 2016 sont toujours vrais aujourd’hui. La première chose aurait été de penser à intégrer un système de déplacement instantané. La carte s’est agrandie, ce qui est très bien, mais il est désormais extrêmement redondant d’explorer, notamment revenir dans les zones visitées pour y trouver les éléments cachés ou conclure les quelques quêtes annexes proposées.
Enfin, rien de nouveau non plus et c’était attendu, Oxenfree 2 joue sur le fait de proposer différentes fins pour espérer tenir en haleine et offrir une plus grande durée de vie (et de mystère à la formule). Malheureusement, en plus des choix qui semblent un peu moins subtils, notamment sur la fin, le jeu n’a pas vraiment appris de son aîné en proposant une manière facilitée d’explorer ces différentes fins. Vous devrez refaire l’aventure pour tout découvrir, d’autant plus qu’il n’existe pas de système de sauvegarde manuelle. 6 ou 7h, tout de même…